Pour se préparer aux frimas de l’hiver, certains se rendent à l’Ice Kube Bar en maillot de bain.
Leonardo Pelagotti, instructeur de Wim Hof Method, y donne régulièrement l’occasion de tester le yoga du froid créé par celui que l’on surnomme Iceman. La cryothérapie pour tous c’est maintenant. Article frissons dans le dos.
-25°Celsius en slip de bain. Ambiance ère glaciaire, pieds nus sur permafrost, thermostat ça-y-est-il-gèle-en-enfer. A l’Ice Kube Bar-Paris, un samedi après-midi d’atelier Wim Hof Method (WHM), un participant questionne inquiet : « On est censés rester combien de temps ? » Normalement, on entre dans le bar gelé parisien des moufles aux mains et une doudoune sur le dos, équipement de survie hostile en milieu festif prêté par l’établissement. On passe la vodka sans plomb servie sans glaçon dans des verres à température ambiante : de glace. La réponse de l’instructeur de WHM fuse. C’est à dire qu’elle éclaire clair-obscur comme une fusée de détresse dans le décor banquise-apocalypse du Kube : « Je vous réveille en 2080. » En cas de fin du monde, brisez la glace. Œil caméra : Leonardo Pellagoti, l’un des rares instructeurs de Wim Hof Method à Paris, est bien au chaud, emmitouflé dans un simple t-shirt. Question : comment en est-on arrivé là ? Objectif cryothérapie Wim Hof aka Iceman. Le yogi Mister Freeze. Wim Hof est un Néerlandais qui détient quelques records de confrontation au froid au Guinness Book. Quand il court un semi-marathon, c’est pieds nus au cercle polaire, quand il décide de faire quelques longueurs, c’est sous la glace, et quand il lui prend l’envie de gravir l’Everest, évidemment il y va en short et en sandales (il est allé jusqu’à 7400 m d’altitude). Il a un record à plus de 2h immergé dans un conteneur de gros cubes. Il dit : “What I am capable of, everybody can learn”. Il y a quelques années, il décide de faire partager son expérience dans le but de prouver que son extraordinaireté est accessible à tous. Il entraine un groupe témoin durant une semaine, qui se fera inoculer le virus de la grippe. Le résultat est scientifiquement parlant : aucun membre du groupe ne tombe malade.
L’objectif santé est le dénominateur commun des sept inscrits au workshop Wim Hof parisien du jour. Olivier, papa quadra de deux petits gars : « Comme tous les enfants, mes fils ramassent tout ce qui traine à l’école. Et le font généreusement partager à papa et maman en rentrant à la maison… J’en avais marre de tomber malade. J’ai découvert the Iceman, Wim Hof, sur Internet. J’ai commencé la méthode en ligne il y a deux ans. Mon objectif était de stimuler mon système immunitaire. Ça fait deux ans que je ne connais plus le rhume. » Manon, 23 ans, adepte du triathlon : « Lors de mon dernier ironman, après six mois de préparation, je suis tombée malade dans l’ultime semaine précédent la course. Je pense que j’ai somatisé. Je cherche des outils pour devenir plus forte mentalement. Et physiquement. Et pour arrêter d’avoir le souffle coupé à chaque fois que je plonge dans l’eau, ce qui n’est pas terrible pour commencer une course… »
L’expert Leonardo Pellagoti dit : « La Wim Hof Method est quelque chose de très puissant. Au centre des trois piliers de la méthode, il y a une meilleure santé physique et une meilleure santé mentale. Il y a un vous plus fort et plus joyeux. » Le froid serait ainsi the combustible des petites flammes intérieures ? Pourquoi pas, La meilleure ruse du Diable est d’avoir fait croire qu’il n’existait pas, écrivait le poète.
« Etat de conscience élargie » Yoga du froid, le premier pilier de la méthode est la respiration. Léonardo développe : « La respiration est au centre de la méthode comme elle est au centre de tout, de la vie. Dans la WHM, elle est consciente et contrôlée. Elle vise à induire un état réceptif à une sortie de zone de confort par le froid, mais plus globalement, elle cherche à infuser un état de conscience élargie dans le quotidien. » Voici comment : « La respiration WHM combine hyperventilation contrôlée et phases de rétention d’air. Nous savons que la respiration change la chimie du corps. L’hyperventilation, en gorgeant les cellules d’oxygène, fait monter le ph des cellules – on lutte ainsi contre l’acidose, responsable de la déminéralisation du corps – et booste la sécrétion d’adrénaline, car elle active le système nerveux sympathique, le fameux logiciel fuite/combat. L’apnée apporte un équilibre : là, on active le système nerveux parasympathique, logiciel repos/digestion. Au quotidien, nous avons tendance à respirer de manière superficielle, ce qui mobilise le système nerveux sympathique de manière continue à un niveau constant. C’est la situation de stress chronique, maladie auto-immune. Les cycles respiratoires Wim Hof, avec ses pics de booste et de repos, visent à remettre à jour le Système Nerveux Autonome. Le but est d’avoir un levier d’action systémique, d’impacter les systèmes nerveux, endocriniens et immunitaires, intimement liés. »
Leonardo propose dans son atelier plusieurs outils pour s’évaluer au niveau respiratoire : le BOLT (Body Oxygen Level Test, qui est un petit exercice d’apnée), expiration vibratoire, respiration énergisante, relaxante, explosive. Il prend ensuite les commandes pour un « voyage dans un état de conscience élargie » avec l’expérimentation de la respiration Wim Hof à proprement parler. Pour Stéphane, « pas franchement sportif, fumeur », est bluffé : « C’est mieux qu’un pétard ! J’ai réussi une apnée de 3 minutes à vide au terme de mon 3ème cycle d’oxygénation alors que je ne pratique jamais l’apnée. Je trouve ça incroyable. L’état de détente est très profond. On se sent prêt à repousser les murs. A tout. » Martine, la plus âgée du groupe admet ne pas être allée au bout des 3 cycles de 30 respirations, jugeant la technique trop radicale. « Ça m’a refroidie. Je suis gelée ! » Justement, on y vient, et Leornardo annonce : « On se voit en maillot à l’Ice Kube Bar. »Hibernatus is beautiful Après quelques exercices posturaux basiques de yoga et de préparation du corps – c’est le warm up – le groupe se retrouve, en maillot, devant la porte de l’Ice Bar. Une hallucination pour les clients du Kube. Leornardo, impassible : « Le Yoga, on connaît. En Occident, c’est juste une gymnastique. Mais ce n’est qu’un aspect du yoga. Yoga signifie se connaître. Et le froid, croyez-moi, ça aide à bien se connaître… » Lumière rouge, entrée dans le sas. Leonardo ouvre les portes de l’abîme polaire. Le groupe pénètre le froid vif du sujet. Température extérieure : – 25° Celsius. A l’intérieur de l’ice-bar, un comptoir et une jeep sculptée dans la glace. Piégés dans la banquise, des fusils, une grenade. De quoi réchauffer l’atmosphère. Ce premier passage, de découverte, sera suivi d’un second où chacun devra accepter le froid tout en tâchant de garder sa chaleur intérieure. Don’t Panic. Naturellement, les contacts glaciaires ne se font pas sans frissons : « Il est impossible de gagner un combat contre le froid. Le but n’est pas que chacun devienne Iceman. Il n’y a pas de notion de compétition. Il faut juste s’observer, respirer, rester calme. Si vous vous mettez à trembler, respirez et essayez de vous centrer, de sentir l’inner fire, le feu intérieur. La production de chaleur interne. » Au terme du test, les sourires sont arctiques. Les yeux cristaux. Comme après une… cryopsychothérapie. Une étude très récente du cerveau d’Iceman* montre que, confronté au froid, l’homme mobilise dans son cerveau de la matière grise dite périaqueducale, un ensemble de neurones qui jouent un rôle dans la perception de la douleur par la libération, supposée par les scientifiques, d’opioïdes et de cannabinoïdes. Wim Hof est ainsi suspecté d’être capable de planer sur commande sans passer par la case cage d’escalier. Le froid, comme accès au bien-être, le seul, le vrai, l’unique, le Graal de toutes les méthodes de développement personnel. Apparemment, ça marche. Leonardo, syllogistique : « Le froid m’a enseigné un état mental. L’objectif est de basculer sur cet état mental au quotidien, sans bain de glace. Mais c’est le bain de glace qui m’a appris cet état. » Justement, le bain de glace, c’est la suite du programme.
Le baptême du froidLeonardo prend soin de préciser : « -25°C, ce n’est pas si terrible, car dans l’ice bar, le froid est sec. Le plus dur, c’est se baigner dans l’eau vive d’une rivière. Avec le courant, le froid ressenti est beaucoup plus intense. » Pour faire court, une lapalissade : le bain de glace à 3°C. est un exercice plus chaud que la chambre froide à -25°… Mais dans cryoyoga n’y a-t-il pas yoga, c’est-à-dire ascèse ?
Après quelques mouvements yogis dits du guerrier, c’est l’épreuve, cette fois-ci individuelle. Leonardo a annoncé les termes du contrat : « Le but n’est pas de rester longtemps mais de retrouver son calme après avoir ressenti une potentielle envie de s’enfuir en courant. Une fois que vous aurez fait le calme, vous pourrez sortir. » Chaque cryonaute aura mis plus qu’un orteil dans la piscine de glaçons. Certains se seront sentis à l’aise, comme Stéphane : « J’étais bien. Je ne sentais plus mes tendinites, les maux au dos. Je suis resté 3 minutes. » Le froid a des vertus anesthésiantes : il sature les capteurs de douleur. Il possède également des vertus anti-inflammatoires, une des conséquences de la vasoconstriction. Le froid conserve… D’autres auront vu les flammes de l’adrénaline et sentir leur battant pulser à trois chiffres BPM. Mais personne n’aura reculé. Le moment pour Leonardo d’insister sur le 3ème pilier de la Wim Hof Method. Fermer les yeux ? Non, « Le commitment, l’engagement. Le mental n’est pas toujours votre ami. Avec la WHM, on le met à l’épreuve de l’hormèse (ndlr : exposition à des situations de stress pour stimuler les défenses biologiques) respiratoire ou frigorifique. Mais c’est par la routine que l’on met en place dans la vie de tous les jours, par un coaching du quotidien qu’on en fait un allié sûr. » Vous ne l’aviez pas vu venir, la douche froide du matin ? Il en va de votre réchauffement climatique interne.
Chirstophe Jouan
*Cf l’étude des docteurs Otto Muzik et Vaibhav Diwadkar de l’université de Wayne State-Détroit.
Vous voulez tenter ?